12.5.05

Waiting so long baby

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Franchement, c'est d'un pathétique.
Je parle de mon père dans l'avant dernier article, comme si je tournais la page et pouvais vivre ma vie sans lui et voilà que je recommence les conneries.
La semaine passée, nous avions fait faire pas mal de photos des enfants. Et j'en ai dispatché par la poste à pas mal de membres de ma famille éloignés, pour qu'ils voient au moins les enfants grandir.
Ma femme me demande : "et ton père ?"
Et mon père, ouais. On ne s'écrit jamais. On ne se téléphone jamais.
C'est une longue tradition entre nous. Faut dire qu'il l'a bien étrenner la tradition. Quand j'étais petit, et qu'il était séparé de ma mère, je n'avais jamais une carte pour l'anniversaire ou noël. Juste le chèque de la pension alimentaire, mais sans petit mot...
Et là je me dis : allez, soit pas con, envois lui au moins des photos, même s'il ne donne plus signe de vie, sois moins bête que lui...
Et je craque. Et j'envoie.

Et je me surprend depuis quelques jours à guetter le courrier voir s'il a répondu. Rien. Bon ça fait qu'une semaine, mais quand même. Un : il est à la retraite. Deux : on peut pas dire non plus que je lui écrive tous les jours. Ni tous les mois. Même pas tous les ans...
Mais bon : rien.
Et je me surprends à attendre. Espérer.
Putain, c'est quand même con qu'à trente balais j'en sois toujours à espérer quelque chose de lui....Ca me tue et me désole, mais franchement, je vois que je ne peux même pas contrôler ce besoin là.
Espérer qu'il réponde.
Qu'il me dise, d'une façon ou d'une autre, une fois, une SEULE fois, qu'il m'aime. Ou qu'il m'apprécie. Ou que d'une façon ou d'une autre il soit fier de moi. Parce s'il répond, c'est qu'en partie, il s'intéresse à moi...
J'en suis réduit à quémander des miettes d'amour, c'est pitoyable et ca rejoint exactement ce que je disais dans l'avant dernier article.

J'en ai tellement marre que je me dis que jamais, finalement, j'aurai du envoyer ces photos si c'est pour en être à guetter une réponse de sa part. En fait je les ai surtout envoyer pour une mauvaise raison, comme un test... Alors que j'aurai du les envoyer sans rien attendre forcement en retour (comme pour tous les autres membres de ma famille : ça me fait plaisir d'envoyer mais ça n'appelle pas forcement réponse).

Tiens, je vais faire les mêmes jeux que les gamins pour aller mieux : on disait que j'avais pas de père et que j'avais rien à attendre et on disait que je serai plus heureux.
Chiche.

7.5.05

Je n'ai rien dit

(Texte que j'ai relu ce matin. J'ai écrit ça il y a trois ans... J'ai l'impression que ça fait une éternité...)


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Je n'ai rien dit
Je n'ai rien dit parce qu'il n'y avait rien à dire. Il n'y avait rien à dire parce que j'étais bien. Je n'ai rien dit parce que tout était dit ; dans ton regard, sur tes lèvres, dans ce soleil sur nous, dans le silence autour de nous.
Je n'ai rien dit parce qu'il n'y avait qu'à vivre, goûter aux instants présents. Je n'ai rien dit, mais toi, tu as tout entendu. De toutes ces choses qui ne sont pas sorties, de toutes ces choses gardées en moi. Mes mots étaient restés prisonniers, mon esprit s'était vidé. Je n'ai rien dit, mais tu as tout compris.
Il te suffisait de regarder mon silence, d'entendre mon regard. Regarder mon silence qui en disait long. Entendre mon regard qui te parlait, doucement, tout bas... Je n'ai rien dit, mais l'on s'est compris.
Et dans ton regard, sur tes lèvres, dans ce soleil sur nous, dans ces silences autour de nous, tu m'as compris. Tu as su voir au travers des non-dits, tu as su lire au delà des mots dits, tu as su écrire au travers de ma vie.
Je n'ai rien dit, mais qu'y avait-il à ajouter lorsque les mots sont inaptes à résumer ? Lorsque les mots ne savent plus expliquer ? Lorsque les mots sont dépassés.
Alors, je me suis tu.
Je me suis blotti contre toi. Il y avait ton regard, tes lèvres, le soleil sur nous, le silence autour de nous.
Alors, j'ai pris ta main.
J'étais bien.
Et si j'avais parlé, peut être aurais-je brisé ce moment si léger, cette émotion si fragile qui naissait, s'élevait, s'évanouissait... Peut-être aurais-je brisé cette indéfinissable étrangeté. Bien-être, désir et sentiments mélés... Peut-être, mais qui sait.... Je ne l'ai pas fait.
J'ai écouté. Le silence. Toi à côté de moi.
Et je n'ai rien dit.

2.5.05

Merci pour rien

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Il m'en a fallu un paquet de temps. Un gros paquet de temps perdu.
Quand je regarde en arrière, j'ai vraiment l'impression que de 10 à 25 ans j'ai pratiquement pas grandi. Appris des choses sur le plan intellectuel, c'est sur. Mais à un autre niveau, affectif, personnel, c'est comme si je n'avais pas grandi. J'étais effroyablement immature et fragile.
Il m'a fallu plus de 30 ans pour arriver à faire le deuil de mon père. Ou plutôt le deuil d'un père.
Et non, il n'est pas mort pourtant. Mais je crois qu'en fait, il n'a jamais été là pour moi.

A sept ans, il est parti, faire une autre vie avec une autre femme. Pour ça je n'ai pas à le blâmer. Même si j'ai vu ma mère en souffrir, je ne crois pas que je puisse me mêler de leur histoire, et surtout il me manque trop d'éléments de compréhension pour pouvoir juger.
Mais entre abandonner sa femme, et faire de même pour ses enfants, il y a quand même une marge, qu'il a franchi allègrement.
Alors non, le Juge des Affaires Familiales dirait qu'il ne nous a jamais abandonné : visites un Week-End sur deux, un peu les grandes vacances. Mais toutes ces visites avec un père absent. Où je ne me souviens pas qu'il se soit intéressé à quoi que ce soit qui ai pu m'arriver. Des visites froides, sans rien qui passait, peu de mots, peu voire pas d'affection. Le désert émotionnel. Ambiance toujours très lourde.
Et moi pauvre petit gamin je crois que la seule explication que j'ai pu trouver pendant des années à ce non-intérêt est tout simplement que je n'en valais pas la peine. Ce qui explique probablement l'état de délabrement avancé de mon estime de Soi (classé Monument en Danger par l'Unesco).

Bref. Voilà le tableau de départ. Et avec tout ça, grandir, l'adolescence, l'âge adulte. Avec un père physiquement toujours là mais qui n'a rien appris, rien fait passer. Rien. J'en viens à penser que ça aurait été finalement plus facile s'il avait été mort... Je ne le souhaite pas, attention. Mais je crois que ça aurait été plus simple à vivre pour moi. J'aurai été triste mais je me serais probablement construit au fond de moi une image idéalisé de lui, l'image d'un Père, d'un modèle. Et j'aurai pu grandir avec cette image là.
Là non. Régulièrement je me retrouvais confronté à la triste réalité du rien de son Amour...

Je sais que beaucoup de mes "problèmes" viennent de là, mon estime de soi, l'angoisse, la peur du conflit... J'en suis conscient mais j'ai beau y réfléchir encore et toujours ça ne m'aide pas à avancer.

Au final, quand je suis pessimiste, je me dis qu'il a bousillé ma vie. Probablement sans s'en rendre compte. Mais l'absence de modèle paternel associé à l'absence de toute affection, ça m'a fait perdre presque 20 ans... Je reste étonné quand je vois des mecs de 18-20 ans matures, parce que je sais qu'a cet âge, j'étais encore un gros bébé dans ma tête. Fragile. A fleur de peau.

Et quand je suis optimiste, je me dit que j'en ai bavé et pris pas mal dans la gueule, mais qu'avoir ce type là comme père, ça m'a servi finalement à être moi. Si j'avais eu un autre père ou s'il m'avait un peu aimé, peut être que j'aurai été un connard fini. Mais là, je suis comme je suis parce qu'il a été comme il est.... Au final, GRACE à lui, même si le mot me fait bizarre à écrire.

Difficile d'expliquer tout cela... Difficile ces années de silence radio complet après ma majorité (les visites du WE n'étaient plus obligatoires, alors il n'a pas cherché plus longtemps à s'obliger de les faire).... Ma femme avait du mal à comprendre. Elle qui n'avait jamais vu mon père me disait "mais pardonne lui, essaie de le revoir". Je me suis dit que j'étais peut être bête, qu'il avait peut être changé.
Et je me revois pitoyable à espérer encore, à mendier encore après 30 ans une miette d'amour de ce personnage. Car je l'ai revu, après presque 10 ans d'absence. Et j'avoue que j'en espérais de cette rencontre, même si je ne me l'étais pas avoué. Les circonstances étaient délicates (le décès de mon grand père), mais j'attendais beaucoup.
Et finalement, j'ai découvert, effaré, que mes souvenirs n'avaient pas tort. Que mon père était un connard fini. Pile tout ce que je détestait. Vantard. Grande Gueule. Narcissique. En un mot : con. Et qui a fait l'étalage de sa bêtise lors des funérailles de mon grand père (son père)...
Bref. Il m'a fait honte ce jour là. Honte d'être son fils.
Et en même temps, cela m'a libéré. Bizarrement.
Moi qui au fond attendait désespérément un signe, une chose de lui, quelque chose. J'étais pire qu'un chien devant son maître à attendre un sucre... Pitoyable.
Et là, à le voir dans l'étendue bête de sa connerie, je me suis senti libéré. Parce que ce jour là, j'ai réalisé que son amour, je n'en voulais plus. Que je ne voulais plus rien avoir à faire avec ce type, plus rien du tout.
J'étais venu chercher un peu d'affection, je n'en ai pas eu, mais j'en suis sorti soulagé, et grandi.
Et je crois que j'ai définitivement tourné la page ce jour là. Le jour des funérailles de mon grand père. A plus de 30 ans.

Il m'en a fallu du temps pour grandir. Mais ça va mieux. Et je suis content d'être qui je suis, même si je le dois à lui.
Alors, merci, du fond du coeur, merci pour rien.