27.12.05

Deux ans avant

Nöel.

Il y a deux ans, c'est à Noël que s'est éteinte ma grand-mère. On la savait atteinte d'un cancer incurable. Elle, ne le savait pas. Cette décision, que je trouvais à l'époque plutôt bonne, je la trouve maintenant très cruelle.
Car qui avons nous cherché à protéger finalement avec ce secret sinon nous-même ? Ma grand-mère aurait peut être préféré le savoir, se préparer, mettre de l'ordre dans ses affaires, recevoir les gens qu'elle voulait revoir. Au lieu de cela, je me souviens d'elle la dernière fois à l'hôpital, sur son déambulateur, très fière de me dire "tu vois, j'arrive à bien remarcher, je vais pouvoir rentrer". Cruauté sans nom dans laquelle je me sens complice maintenant.

Ma grand-mère est une personne, avec mon grand-père, qui a eu une place extrèmement importante dans mon enfance. C'est étrange comme je ne m'en rends compte que maintenant.
Souvent les week ends, ma soeur et moi allions chez eux. Ma mère étant seule, je pense que ça lui faisait du bien de décompresser et seule ma grand-mère était là pour ça.
Mes grands-parents ne manquaient pas d'argent et nous ont littéralement gâtés avec ma soeur. Grâce à eux, nous avions toujours les derniers jouets, les choses dont nous rêvions toute l'année sur catalogue. Ma mère, avec son petit salaire, ne pouvait nous offrir tout ça.
Ils ont toujours été là dans les grands moments, finançant mes études universitaires que ma mère ne pouvait payer seule, finançant mon permis de conduire, une partie de ma voiture...
Sans eux, j'en suis certain, ma vie aurait été très différente. Et surtout, maintenant, leurs mots résonnent en moi.
Etrange comme lorsqu'on est petit les mots ne prennent pas sens. On en comprends qu'une partie, on ne les "ressent pas". Quand je me souviens qu'un jour ma grand-mère m'a dit "tu sais, ton grand père et moi sommes très fiers de toi, et de ton travail", et bien là, ca me fait une boule dans la gorge alors qu'à l'époque j'avais souris gentimment mais ca ne m'avait pas bouleversé.

Etrange comme lorsque j'étais petit j'étais focalisé sur les mauvais côtés de mes grands parents : leurs disputes continuelles qui nous terrifiaient avec ma soeur, et dans lesquels nous étions pris à témoin, l'alcool toujours (trop) présent. Etrange comme je ne retiens que le positif maintenant, leur présence, leur aide sur laquelle on savait qu'on pouvait toujours compter, leur façon de ne jamais avoir pris parti dans le conflit entre ma mère et mon père.
Etrange comme c'est maintenant que j'aurais envie qu'ils soient là. Parce qu'Adulte j'ai d'autres choses à partager avec eux, et que je ne peux plus.

Noël.
Il y a deux ans disparaissait ma grand-mère. Il y a deux ans mon père refaisait surface pour assister à l'enterrement de sa mère. Il y a deux ans j'avais très peur de le revoir, envie/pas envie, en colère/en attente. Tout était mélangé.
Il y a deux ans ma femme me disait qu'il fallait peut être tourner la page, faire le premier pas, pardonner, lui parler, au moins pour nos enfants.
Il y a deux ans, j'ai fait tout ça. J'ai même dit "papa" un mot qui m'a fait très drôle à entendre dans ma bouche car pas dit depuis si longtemps. Il y a deux ans j'ai même demandé à ce qu'il vienne chez moi. Il y a deux ans j'espèrais un contact.

Il y a deux ans j'ai compris.
Que je n'avais rien à attendre de lui. Qu'il était tel que dans mon souvenir. Qu'il était incapable d'affection,d 'attention, d'amour tout simplement. Il s'est montré rustre, lourdaud. Bête à en pleurer.
Il y a deux ans, ma femme, qui n'avait jamais rencontré mon père et qui avait fait des pieds et des mains pour que je renoue contact m'a dit "je suis désolée, je ne savais pas...".

Il y a deux ans ma grand-mère est morte.
Et dans mon coeur, mon père aussi.

7 Comments:

At 2:06 PM, Anonymous Anonyme said...

émue, il n'y a rien à dire d'autre.
Juste... un frisson. Il y a huit ans, un 26 décembre, mon grand-père est mort d'un cancer...

Et toujours contente de te lire, même en inconnue discrète.

 
At 3:42 PM, Blogger remboy said...

Et moi content d'avoir sur ces pages quelqu'un que j'apprécie et que je suis, idem, en lecteur discret...

 
At 5:22 PM, Anonymous Anonyme said...

ça me rappelle ma grand-mère, qui est morte elle aussi à noël, il y a 3 ans...

 
At 10:48 PM, Blogger remboy said...

Décidemment, Marie, Lirriel, Noël pour nous rime avec tristesse...

 
At 12:55 PM, Anonymous Anonyme said...

C'est important de "comprendre" je crois.
Comme maintenant, tu comprends que tu aurais peut-être dû dire la vérité sur son état à ta grand-mère, il y a deux ans, tu as su à quoi t'en tenir sur ton père. Que t'as tendu la main, en vain sur le moment mais pas pour rien en fait.

Cego qui pense à ses grands parents (surtout maternels) en mai

 
At 3:58 PM, Blogger remboy said...

Merci Cego de ce passage ici

 
At 9:17 PM, Anonymous Anonyme said...

C'est troublant a quel point ton histoire me rappelle mes histoires de famille aussi.
J'ai bcp aime ton texte, il m'a touchee.

 

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