20.11.05

Cahiers

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C'est fou comme quelques fois une phrase, une chose insignifiante peut prendre sens pour toute une vie.
C'était en quatrième. Je devais avoir quinze ans. Ma professeur de français était quelqu'un d'exceptionnel, gaie, vivante, curieuse, pleine d'humour et de culture. Un mélange vraiment détonnant qui m'a donné l'amour des livres et des lettres.
Pendant toute l'année, il y eut, du moins je le crois, entre elle et moi, une réelle connivence (classe il faut dire pas facile dans un collège pas facile, peut être étais-je un des rares à m'intéresser...).

Je me souviens que j'adorais les rédactions. Déjà, écrire était pour moi une bouffée d'oxygène. Et avec elle, je crois bien m'être dépassé ! J'avais d'excellentes notes, comme rarement j'en ai eu, tout cela parce que je savais que ces lignes lui étaient destinées.
Et pour ne pas faire comme les autres, je mettais des petites blagues dans mes rédactions. Genre je me souviens, que dans une rédaction (assez réussie ma fois) sur la vie pendant la guerre, j'avais appellé l'héroine Mélanie et à la fin, on apprenait que son nom de famille était Zétofrais. Mélanie Zétofrais, très fin hein. Je me souviens que ça la faisait hurler, qu'elle faisait semblant de me disputer devant la classe (il y eu plein d'autres blagues pourries comme celles ci) mais qu'elle finissait toujours par sourire en reconnaissant que le reste était bien écrit.

A la fin de l'année, la tradition voulait qu'avec les élèves on se marque de petits mots sur nos cahiers de correspondance qui ne servaient plus à rien.
Je suis allé la voir ma prof de français et lui ai demandé si elle souhaitait m'écrire elle aussi quelque chose.
Elle le fit. Une phrase qui m'intrigua, se grava dans ma tête, me poursuivit.
Une phrase qui sonne toujours pour moi comme une promesse à tenir et à laquelle j'essaie d'être fidèle.
Sur le cahier, elle avait écrit une phrase toute simple :

"Pour votre regard. Et que la vie vous préserve de toute vulgarité"

J'espère y être parvenu.

C'est drôle aussi, parce que cette phrase, je l'ai comprise de différentes façons au fur et à mesure que je grandissais, mais elle m'a toujours aidé et accompagné.
Et puis, vingt ans plus tard, je me dis aussi que lorsqu'on complimente quelqu'un pour son regard, c'est tout de même étrange...
J'avoue que j'aimerai bien la retrouver ma prof de français. Pour la voir et la connaître avec mes yeux d'adulte.
Et surtout, la remercier.