10.8.05

Mater Dolorosa





Elle le regardait.

Il dormait paisiblement, et elle écoutait le bruit que faisait son petit souffle, elle tenait sa main et sentait la chaleur de sa peau contre la sienne.
L’enfant dormait depuis une heure, tranquillement blotti contre sa mère. Ils avaient bien joué tout l’après-midi. Il avait un peu râlé lorsqu’elle avait gagné pour la deuxième fois aux petits chevaux, alors, elle avait fait exprès de perdre la troisième partie. C’était cependant une entreprise risquée car le petit bonhomme était malin et s’il détestait perdre, il détestait tout autant qu’on le prenne pour un bébé et qu’on le laisse gagner. Mais tout à sa joie de prendre enfin sa revanche, il n’avait rien remarqué…

Elle lui caressa les cheveux doucement.
Il serait temps qu’elle aille dormir. Elle sentait la fatigue en elle, ses membres engourdis, presque douloureux.
Encore un petit peu, se disait-elle, encore un moment.

Le robot tout neuf trônait à coté du lit.
Tout à l’heure, il avait ouvert le paquet avec avidité, pressé de savoir ce que contenait un aussi gros cadeau. Elle avait rit lorsqu’il avait reconnu le jouet qu’il avait vu sur son catalogue et qu’il n’en croyait pas ses yeux.
« Il faudra que tu m’achètes l’autre robot à Noël, maman, tu sais, l’autre que je t’ai montré, hein ! ».Elle fit oui de la tête, et détourna le regard rapidement.
Noël…
Elle essuya discrètement la larme qui avait essayé de poindre au coin de son œil. Le petit bonhomme était affairé à déballer son robot et ne la regardait pas.

Le souvenir de ses rires disparut doucement pour faire place au silence de la nuit. Elle sentit revenir alors cette sensation d’oppression qui ne la quittait plus ces dernières semaines, cette boule dans le ventre. Elle lui serra la main un peu plus fort.

Il fallait vraiment qu’elle aille se coucher.Elle se leva et repoussa doucement la chaise sans faire de bruit. Elle entendait encore son petit souffle résonner dans la chambre… Tout avait l’air si calme, tout avait l’air si normal. Elle sentit à nouveau les larmes monter en regardant l’enfant dormir…Que comprenait-il, lui, de ce qui arrivait ? Que comprenait-il des silences, des mots tus en milieu de phrases, des yeux rougis, des sourires forcés ?
En apparence, tout était normal. Mais le docteur avait dit un mot compliqué avec un air soucieux. « Combien de temps ? » avait-elle demandé. « Trois mois. Six tout au plus. Je suis désolé… »...
Un gouffre s’était ouvert sous ses pieds au même moment…

Elle ferma la porte de la chambre.
« Encore debout ! », lui dit l’infirmière de nuit en passant près d’elle, « allez vous coucher, vous n’êtes pas raisonnable, surtout dans votre état ! ».
Elle posa tristement la main sur son ventre arrondi.
Une naissance, une mort…
La vie avait quelques fois de drôles de deals.